Sur la route des vacances, difficile de ne pas les croiser. Bien en évidence sous le panneau d’entrée des municipalités, une série de labels mettent en valeur villes ou villages méritant, à les en croire, le détour. Mais sont-ils tous vraiment gages de qualité ? Nous avons recensé les principaux. Leur point commun ? Ils distinguent des patrimoines préservés : remparts, ruelles anciennes, vestiges d’un château, église remarquable…Une garantie de qualité et d’attractivité ?
Chacun de ces labels a ses spécificités, qui portent notamment sur la taille des communes. Ainsi, le plus réputé d’entre eux, Plus beaux villages de France, ne s’attache comme son nom l’indique qu’aux petites bourgades. Chacun a aussi son cahier des charges et son degré d’exigence. Pour s’en prévaloir, les cités candidates doivent généralement se soumettre à une visite sur place, un examen de passage en quelque sorte. Quand elles ont décroché le précieux sésame, ce n’est pas à vie. L’associa tion Petites cités de caractères organise un contrôle tous les 5 ans environ, Plus beaux villages de France, tous les 6 à 9 ans. Les villes d’art et d’histoire doivent renouveler leur dossier de convention tous les 10 ans. Les labels les plus renommés sont gages de succès. Selon l’association des Plus beaux villages de France, la hausse de fréquentation est de 30 à 40% pour les villages nouvellement labellisés – ceux, du moins, qui n’étaient pas connus avant. Quant aux lauréats du Village préféré des Français, ils ont généralement enregistré un afflux soudain de touristes dans les mois suivant la diffusion de l’émission, que ce soit à Saint-Cirq-Lapopie (Lot) en 2012, Rochefort-en-Terre (Morbihan) en 2016 ou Cassel (Nord) en 2019. Au point de rendre désagréable la visite dans des ruelles bondées ? Président de l’association des Plus beaux villages de France, Alain Di Stefano relativise: "Sur les 176 villages labellisés, une quinzaine, peut-être, enregistre une fréquentation très importante. Et encore, seulement à certaines périodes". Son conseil pour éviter la foule : arriver le ma- tin avant 11 h ou, si possible, attendre la dernière semaine d’août ou le mois de septembre. Les visiteurs ont surtout intérêt à profiter de la richesse de l’offre ainsi mise en valeur. Certains labels ont leurs places fortes, souvent liées à la région d’origine de l’association qui les porte. Ainsi, les Petites cités de caractère sont particulièrement nombreuses en Bretagne, Pays de la Loire et dans le Massif central, tandis que Les Plus beaux villages de France abondent en Dordogne et dans les départements voisins. Mais, additionnés, les différents labels de notre sélection recensent plus de 500 communes. Largement de quoi dénicher de belles pépites.
Créé en 1982, il concerne uniquement les villages de moins de 2.000 habitants. Aujourd’hui, ils sont 176 à s’en prévaloir. Le principe : les communes doivent posséder au moins 2 sites protégés (monuments historiques...). Elles ont aussi à répondre à 32 critères : homogénéité des façades et toitures, réseau électrique discret, circulation automobile maîtrisée. "Quand on entre dans un plus beau village de France, il faut que cela se voie immédiatement", résume l’association. Revers de la médaille, cette dernière est parfois amenée à se défendre de "muséifier" ses lauréats.
L’émission Le Village préféré des Français est devenue une référence, depuis sa première édition en 2012. Elle honore chaque année un village, sans limite de taille, parmi 14 sélectionnés*. Le principe : ce n’est pas un label à proprement parler, mais l’émission, diffusée sur France 3, s’en approche. Elle est un peu le"concours Miss France des villages", aime à dire son présentateur, Stéphane Bern. Elle met en lumière de beaux villages, en assumant sa subjectivité : la présélection est réalisée par la production de l’émission, sans cahier des charges écrit et détaillé. Le lauréat est élu par les téléspectateurs (autour de 700.000 votants), sur le site de la chaîne ou par téléphone.
212 villages sont apparus dans l’émission Le Village préféré des Français en treize ans d’émissions. Parmi eux, 95 étaient aussi titulaires du label Plus beaux villages de France… comme une bonne partie des lauréats.
*Un pour chacune des 13 régions de métropole et un pour représenter l’Outremer.
Les petites villes françaises de 2.000 à 20.000 habitants sont valorisées par ce label, créé en 1998, qui en a déjà récompensé 108. Le principe : géré en association, le label distingue les bourgs ou sous-préfectures qui méritent une visite hors des grandes zones touristiques. "Et pas seulement pour des raisons esthétique", tient à préciser Xavier Louy, son délégué général. Au-delà des vieilles pierres bien conservées, l’appellation accorde de l’importance à la présence de spécialités gastronomiques locales, d’artisans ou de métiers d’art, d’un festival ou d’un musée, d’un marché dynamique...
Sa création date de 1975. Sont concernés les villages et bourgs jusqu’à 6.000 habitants. En près de 50 ans, 239 communes ont été distinguées. Le principe : ces cités doivent bénéficier d’un patrimoine remarquable, valorisé à travers un circuit touristique urbain, mais les critères esthétiques sont moins stricts que pour d’autres labels. "Nous voulons valoriser des localités où il fait bon vivre à l’année", plaide Laurent Mazurier, directeur de l’association. Il s’agit d’attirer des habitants et acteurs économiques autant que des touristes.
Créé en 1985, il s’applique aux villes moyennes ou grandes*. A ce jour, 119 ont été primées. Le principe : le label est décerné par le ministère de la Culture aux villes s’engageant dans une politique de valorisation de leur patrimoine (naturel, industriel, bâtiments anciens et contemporains...). Condition impérative: la création d’un musée ou d’un espace culturel de proximité appelé Ciap (Centre d’interprétation dédié à l’architecture et au patrimoine).
*Pour les intercommunalités situées en zones rurales, le label est aussi décliné en Pays d’art et d’histoire (71 pays labellisés).
D’autres labels s’émancipent du strict patrimoine. Voici ce qu’ils garantissent :
Pavillon bleu. Il récompense non les communes, mais les plages – 398 l’arborent cette année. Elles doivent notamment avoir fait preuve de la qualité de leurs eaux de baignade, en transmettant les résultats d’analyses de l’année précédente.
Station verte. Il distingue plusieurs centaines de communes dont l’offre touristique privilégie la nature et le terroir.
Villes et villages fleuris. Centré sur la qualité du cadre de vie, il n’est pas forcément synonyme d’intérêt touristique pour les communes, plus de 4.000, dont 280 seulement ont obtenu les "4 fleurs", le plus haut niveau.
Qualité tourisme. C’est une marque créée par l’Etat pour des professionnels (hôtels, lieux de visite…) s’engageant à des prestations de qualité. Il ne concerne pas les communes, mais les offices du tourisme peuvent y prétendre. Il doit être remplacé par un nouveau label, Destination d’excellence, avant 2026.
"Ils ont un effet amplificateur sur la notoriété : il est plus facile de communiquer avec un label déjà connu que sur le seul nom de son village. Mais plus que le logo à afficher, le plus important, localement, c’est le travail collectif préalable. Car la labellisation, ça se prépare, du moins pour les labels exigeants comme Plus beaux villages de France. Et les occasions de faire travailler ensemble habitants, élus, agriculteurs et acteurs économiques ne sont pas si fréquentes, en l’occurrence à préserver un patrimoine ou la beauté d’un village. Toutefois, le label nécessite un investissement en temps et financier – souvent quelques milliers d’euros de cotisation annuelle. Cela explique que, parfois, certaines communes finissent par renoncer".
Merci à Christophe Alaux, chercheur en marketing territorial, professeur à Aix-Marseille Université.
Les labels ? Le village de Sancerre (Cher) les collectionne. De longue date, la commune, qui domine ses célèbres vignobles, bénéficie de la distinction Petite cité de caractère. En 2022, elle a rejoint la liste des Plus beaux villages de France… un an après avoir été élu Village préféré des Français par les téléspectateurs de Stéphane Bern. "Bien sûr, cela génère une certaine fierté chez les habitants. Mais le tourisme, à Sancerre, ça ne date pas d'hier", relativise le maire, Laurent Pabiot, rappelant que le village est classé station de tourisme depuis quatre-vingts ans.
Retraités, Michel et Catherine n’ont pas attendu les labels pour profiter du charme de ses ruelles… et d’un bon déjeuner. En ce jour ensoleillé de juin, ils sont là en voisins (ils habitent à une heure de route), avec un couple d’amis. "On vient régulièrement, racontent-ils. Mais on évite l'été, car il y a plus de monde". Depuis l'esplanade de la porte César, au pied du château de Sancerre, exceptionnellement ouvert à la visite cette année*, ils contemplent la Loire, qui serpente au loin : "On ne se lasse pas du panorama, admirent-ils. Et vous devriez voir en automne, avec toutes les couleurs, c’est encore plus joli !"
Non loin de là, devant l’une des nombreuses boutiques de vignerons, quelques touristes participent à une dégustation au soleil, tandis qu’un groupe de cyclotouristes fait halte sur la place. Leurs montures sont électriques : l’itinéraire La Loire à vélo n’est pas si loin, mais la montée sur le rocher où a été érigée la forteresse de Sancerre, au Moyen-âge, n’est pas à la portée de tous les mollets.
* Exposition Victor Vasarely au château de Sancerre, jusqu’au 22 septembre (12,50€). Outre les 24 œuvres de l’artiste, vous vous promenez dans les jardins du château et montez à la Tour des fiefs, témoin de l’histoire médiévale du village. Bénéfices reversés à la restauration de la tour.
Les amateurs de vin et de petite reine sont nombreux parmi les quelque 450.000 visiteurs qui y défilent chaque année, dont certains cherchent la plaque attestant du titre de Village préféré des Français. Et la fréquentation progresse : le nombre de nuitées a doublé en cinq ans, estime l’office du tourisme, même s’il est difficile de mettre cette augmentation sur le seul effet label. "Sans le tourisme, mon activité ne serait pas viable dans un village de cette taille, reconnaît Olivier, qui tient un café-librairie depuis quinze ans. Ici on passe rapidement d'un extrême à l'autre. Les week-ends de mai, la librairie peut être pleine à craquer, à d'autres moments, il n'y a personne."
Alors que Sancerre perdait des habitants, la municipalité a engagé une politique globale de redynamisation du village par le patrimoine, explique Laurent Pabiot, élu et réélu depuis 2014. Il se félicite d’avoir divisé par deux le nombre de locaux commerciaux vacants, ce qui "profite autant aux habitants qu’aux touristes". Sa dernière fierté ? "Une boulangerie va bientôt rouvrir."
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